Balades Littéraires

Voyage d’une œuvre poétique… suisse

Sur la mort brève. Ce recueil de poèmes de Pierre Voélin, qui vit le jour en 1984 (éditions Castella, Albeuve CH), aurait dû avoir une … vie assez brève, au dire du Dictionnaire des écrivains suisses d’expression française (Alain Nicollier et H-C Dahlen, Ed. GVASA, Genève, v. 2, 1994, pp 887-888) :

« Son œuvre poétique est d’une réelle noirceur ; elle se veut l’écho des “jeux de sang du siècle”. Elle est marquée par une présence quasi obsessionnelle de la mort. Il s’interroge sur la notion de faute, sur l’expiation, sur la rémission qui semble impossible. Quelques images apaisantes et fugaces traversent cet univers. »

J’avais, depuis quelques années, commencé à traduire ces poèmes de Voélin pour mieux en cerner le sens, mais surtout pour m’agripper à ce pont entre mes deux langues, en perpétuelle émigration de l’une à l’autre, oscillant de Fribourg au Tessin sinon en Sicile, quand, un jour, debout, entre les paravents de livres de la Bibliothèque Cantonale Universitaire de Fribourg, je recopiai machinalement ces anathèmes contre la poésie du poète jurassien, sur un bout de papier que je viens de retrouver parmi les pages de mon propre exemplaire de Sur la mort brève de Voélin.

Ce qu’il faut savoir c’est que, en faisant fi de l’avis posthume du tonitruant Dictionnaire…, l’État de Fribourg, en 1984 déjà, avait honoré d’un Prix l’œuvre du débutant poète.

Et qu’une nouvelle édition de l’œuvre parut, en se faisant attendre patiemment, il est vrai, et non loin de la première : Pierre Voélin, Lierres suivi de Sur la mort brève et de La nuit osseuse, éditions Empreintes, Moudon CH, 1999.

L’italo-romand Adrien Pasquali, d’ailleurs, avait eu d’autres tons critiques ; en effet, dans une étude approfondie (« Pierre Voélin ou l’épreuve de la poésie » dans La Licorne, 1989/16, pp.401-418), il affirmait à diverses reprises que la mort, expérience de séparation, de perte de l’autre, est au centre de sa poésie comme figure initiatrice vers la quête d’une parole ressaisie, d’une langue renouvelée.

J’enseignais et pendant les vacances je continuais de paufiner ma traduction (la première œuvre à laquelle je m’attaquais : un véritable défi ! – Es-tu poète ? Il faut être poète soi-même pour traduire la poésie d’un poète… Quel toupet !

Le poète, Pierre Voélin, quant à lui, continuait laborieusement son parcours… (je vous convie par facilité chez Wikipedia : car, récemment, le poète à la moustache d’antan a fini par se plier aux moyens de connaissance in auge et à se créer une page, comme on dit …)

Bref, de nombreuses années après … (- Ouais ! dirait mon petit-fils aux tons romands, lui aussi) ma traduction parut, financée par d’éminents contribuables de divers cantons et institutions suisses (quelqu’un en bénéficia sans doute !) : Pierre Voélin, Sulla morte breve / Sur la mort brève, G. Casagrande editore, Biblioteca letteraria Nord-Sud, Lugano, 2006 (Traduzione di Grazia Bernasconi-Romano, illustrazione di copertina : Chiedi al cielo, tempera grassa su carta, 2004, di Samuele Gabai, presentazione di Gilberto Isella). Dans ce même ouvrage, un autre texte – en prose – de Pierre Voélin fait suite (dommage que son titre ne paraisse pas en couverture) au recueil de poèmes ; il s’agit de Hommage à Ossip Mandelstam, (traduit en miroir par la même traductrice), dans lequel le poète lui-même révèle, dès son essor, dans quelles expériences de vie, et de mort, il greffe son propre souffle poétique en pérégrinant de Rimbaud à Mandelstam, notamment.

Encore une décennie…

Récemment, le poète s’en était allé sonner chez Madame France, la voisine… quelle ne fut sa surprise : là, par une fée il fut accueilli, qui  – d’un coup de baguette magique – son œuvre enveloppa d’une robe toute neuve et somptueuse par surcroît… :

Pierre Voélin, Sur la mort brève, éditions Fata Morgana, avec des dessins de Gérard Titus-Carmel, Saint-Clément-de-Rivière / Montpellier F, Imprimé à Barcelone, 24 mars 2017.

Ainsi, petit à petit l’oiseau fait son nid… ligne par ligne, page par page…

Et voilà que les poèmes, profitant peut-être d’un envol d’oies blanches (Antoine de Saint-Exupéry docet !), enjambent l’Océan Atlantique…  et atterrissent à New York :

Pierre Voélin, On Brief Death / Sur la mort brève. Cf. To each unfolding leaf, Selected Poems 1976-2015, Pierre Voélin, translated from the French by John Taylor, Bitter Oleander Press, New York, 2017, pp. 15-35

 

2018… tempus fugit !

En flânant sur la toile (sic !) du côté de la Péninsule Italienne, il m’est arrivé de lire un petit commentaire dans le Forum du Corriere della Sera, géré par Paolo di Stefano :

« Tra i molti libri, dimenticati dopo una prima lettura, mi è ricapitato sottomano un libricino di Pierre Voélin, poeta francese (sic ! sic !) vivente, dal titolo Sur la mort brèveSulla morte breve) :

»

… Si vous avez des nouvelles encore plus récentes de ces vers suisses voyageurs, n’hésitez pas à nous les faire parvenir.

Grazia Bernasconi-Romano

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